vendredi 23 septembre 2022

Affaire Seznec : Le marché français de l'automobile au début des années 20

Affaire Seznec : Le marché français de l'automobile au début des années 20

AVOIR UNE VOITURE EN 1918 : COMBIEN ÇA COÛTAIT ?

En 1918, André Citroën déclara proposer une voiture de grande série pour 7 250 Francs, la Type A. L'annonce a fait grand bruit, car il s'agissait d'un prix très bas pour une automobile, à cette époque. Près de deux fois inférieur à celui de la concurrence.

Finalement, l'auto est proposée à la vente en juin 1919, dans une boutique des Champs-Élysées. La production est alors faible, mais le prix affiché, 7 950 Francs, était un petit peu plus onéreux qu'annoncé. Qu'importe, les ventes se font et les constructeurs s'attelleront à proposer des véhicules plus accessibles financièrement, d'où le boom des ventes durant l'après-guerre.

À titre d'informations, en 1920, un ouvrier gagnait environ 385 Francs chaque mois. La Citroën Type A revenait donc à 21 mois de travail, soit près de deux ans. Si l'on retranscrit cela aujourd'hui, cela représentait un prix très élevé pour bon nombre de personnes... Pourtant, 2 810 exemplaires sont écoulés en 1919, une belle performance !

CITROËN EN 1918 : TOUT VA POUR LE MIEUX !

André Citroën avait 40 ans en 1918. Cet ingénieur touche-à-tout a participé au redressement du constructeur automobile Mors, entre 1906 et 1914. C'est un véritable succès, qui lui permet de s'entourer d'une bonne équipe et d'appliquer des principes de production inspirés de sa visite chez Ford, aux États-Unis. En 1912, il fonde, avec ses associés "Citroën, Hinstin et Cie". L'entreprise s'implante quai de Grenelle, à Paris, près du quai de Javel.

Durant la guerre, André Citroën décide de convertir la production vers des équipements pour l'armée, avec notamment la fabrication d'obus. Très riche, l'année 1918 est pour lui, celle de tous les projets. Les Automobiles Citroën verront le jour en 1919, tout comme la Citroën Type A. Pour la marque aux chevrons, qui s'apprête à s'implanter définitivement quai de Javel, l'avenir est plutôt serein.

La force de Citroën, cela a été, dès la signature de l'Armistice, de convertir très rapidement la production d'obus en production d'automobiles. En quatre mois seulement, tout repart du bon pied. Pour les employés, la tâche est ardue. Le patron sait ce qu'il veut et s'avère assez intransigeant sur les délais.

Enfin, Citroën joue la carte de la communication au maximum. En 1918, André Citroën déclare avoir pour projet de commercialiser prochainement une voiture dont le coût final sera près de deux fois inférieur à celui de la voiture la moins chère sur le marché ! De même, chaque client dispose d'un manuel d'utilisation dans sa voiture, le réseau se développe très rapidement et même, des solutions de crédit sont proposées au client. Les inspirations internationales du patron revoient totalement la manière d'acheter une voiture.

 

PEUGEOT EN 1918

L'histoire de Peugeot a débuté il y a bien longtemps, en 1810 ! Pour autant, l'automobile ne verra le jour que sous l'impulsion d'Armand Peugeot, à partir de 1889. Les commandes se succèdent. Peugeot dispose d'une usine située à Audincourt, dans le Doubs, où les premiers moteurs sont assemblés. Parallèlement, Armand Peugeot voit grand et réalise même des campagnes publicitaires jusqu'aux États-Unis ! L'automobile démarre timidement, mais les cadences augmentent rapidement, avec pas moins de 500 voitures écoulées en 1900. Cela peut paraître peu, mais resituez dans le contexte d'époque.

L'usine de Sochaux, alors à la pointe de la modernité, naît en 1912. On y réalise des camions, mais aussi des voitures. La concurrence de Citroën est féroce et les dettes s'accumulent...

Armand Peugeot décède en 1915, à 65 ans. Durant la guerre, les usines ont été réquisitionnées, fabriquant à la fois des vélos, des voitures et des camions, comme à l'origine. Mais les lignes d'assemblage comptent aussi des chars, des moteurs d'avion, des obus et même des bombes.

Après la guerre, Peugeot recentre son activité, mais, contrairement à Citroën, n'est plus vraiment à la page. Le volet de la productivité a pris le dessus sur l'innovation. La branche camion est abandonnée, les cycles sont séparés de la production automobile. Le déficit continuera de se creuser. Pas une belle époque pour la marque au lion...

RENAULT EN 1918 : DE BEAUX REBONDISSEMENTS

Démarrée officiellement en 1899, l'activité de Renault est intéressante. La Type A dispose d'une boîte de vitesse en prise directe, ce qui témoigne de l'ingéniosité de Louis Renault. Avec ses deux frères, ils parviennent rapidement à écouler leurs automobiles, d'abord à un public fortuné. Avant, l'usine Renault de Boulogne-Billancourt produit à la fois des voitures pour particuliers, des taxis et même des camions.

La force de Renault, c'est de participer à un maximum de courses automobiles. Pour Louis Renault, c'est un bon moyen d'assurer la publicité des automobiles de la marque. Les succès s'enchaînent, dans un grand nombre de catégorie. Louis Renault dirige par la suite seul l'entreprise, suite au décès de son frère Marcel.

Pendant la Guerre mondiale, Renault réoriente ses chaînes de production. Désormais, des armes sortent de l'usine, tout comme des chars de combat (dont le Renault FT). Renault devient le premier manufacturier de France. Mais dès la signature de l'Armistice, Renault réoriente sa production. Des machines agricoles et industrielles, des autorails ferroviaires et des voitures.

Tout comme ses concurrents, Renault voit grand. La direction réfléchit alors à implanter des concessions un petit peu partout en France, afin de diversifier le réseau de distribution. Des idées et des efforts qui porteront leurs fruits. Les premières concessions arriveront en 1920, ouvrant de nouvelles voies, notamment celles des poids lourds !

1918 : DE NOUVELLES MARQUES...

L'après-guerre engendrera un retour massif à l'industrialisation. De nouvelles marques automobiles voient le jour. C'est le cas par exemple de Mitsubishi, dont la toute première voiture, la Type-A de 1917. Mazda naît en 1920 mais pas de voiture à l'horizon au début, la production de se concentre d'abord sur... des bouchons de liège ! La première voiture date de 1931.

D'ailleurs, il y avait 1 672 voitures en circulation en France, en 1900. En 1910, pas moins de 53 000. Et en 1920, ce sont pas moins de 330 000 automobiles en circulation. Autant dire que ce moyen de transport se popularise. Bien avant l'arrivée des 2CV et Coccinelle qui ont permis de toucher un maximum de classes sociales. En 1918, peu de personnes avaient donc une voiture, il y avait une voiture pour 123 habitants !

L'automobile touche donc un public grandissant. Depuis le début du XXe siècle, il y a de plus en plus de voitures sur les routes. Beaucoup voient cela comme un fabuleux moyen de rapprocher les villes et d'avoir un sentiment de liberté bien supérieur à celui procuré par le train ! Les voitures de luxe commencent également à arriver. De nombreux artisans veulent tenter leur chance, avec plus ou moins de succès.

C'est le cas de Bentley, fondée en 1919, Bertone, dont les commandes les plus importantes arriveront à partir de 1920. De plus en plus de marques voient le jour. La plupart des noms qui suivront vous seront certainement inconnus. Sachez que toutes ces marques ont aujourd'hui disparu...

 

Ainsi, le nom d'AAA (1919-1920) est aujourd'hui tombé aux oubliettes. Les Ateliers d'Automobiles et d'Aviation jouaient sur deux domaines. Les voitures proposées étaient modernes, électriques avec quatre portes et des performances attrayantes. L'expérience ne dura qu'une courte année.

Able, Ajams, AEM, Allain et Niguet, Amilcar, Angeli, Antony, AS, ASS, Astra, Autram, Benjamin, Bignan, Delfosse, Génestin ou encore Rovin sont autant de marques françaises qui ont aujourd'hui disparu. Et il y en a bien d'autres. Beaucoup ont eu des soucis de trésorerie, n'ont pas su évoluer aussi rapidement que prévu, ont fait l'objet d'un rachat (Amilcar par Hotchkiss en 1939) ou n'ont pas survécu au terrible Krach de 1929.

LA VITESSE EN 1918...

Il y a cent ans, la quête de performances était bien réelle. Pendant la guerre, cela n'était bien évidemment pas une priorité. À Daytona Beach, aux États-Unis, une Packard 905 LSR parvient à atteindre les 241,2 km/h. Ce record n'a toutefois pas été reconnu en dehors des États-Unis. L'une des performances les plus remarquables revient à Fiat. En 1911, le constructeur italien développe la S76 300HP Record, surnommé la "bête de Turin". Cette voiture étonnante, produite à deux exemplaires, disposait d'un 4-cylindres de 28,3 litres développant près de 300 chevaux. Elle parvient à atteindre les 290 km/h à Long Island... Mais sans homologation non plus !

DES CONSTRUCTEURS... TRÈS INÉGAUX !

La fabrication des voitures en 1918 montrait de fortes inégalités. Ainsi, il y avait d'un côté les grands constructeurs et de l'autre les petits, qui s'apparentaient davantage à des artisans. Ainsi, hormis Renault, Peugeot et Citroën et quelques grands noms éphémères, comme Dedion-Bouton (qui a perduré jusqu'en 1968), les autres se contentaient d'ateliers où les automobiles étaient assemblées à la main, avec peu de main-d'œuvre et donc des cadences relativement faibles.

Les exigences des automobilistes augmentant, avec les possibilités de personnalisation et même de passer par un carrossier, la plupart des artisans ne peuvent suivre la cadence et vogueront jusqu'à une faillite...

DES ROUTES... PLUTÔT ARCHAÏQUES !

Enfin, si la vitesse n'était pas une priorité en 1918, c'est avant tout à cause de l'état des routes. Ces dernières étaient souvent des chemins de terre, de gravier ou bien pavées. Dès lors, il fallait rouler au pas sous peine d'abîmer son véhicule et sa colonne vertébrale. Les suspensions, des ressorts à lame, retranscrivaient toutes les aspérités de la route aux occupants. Fatalement, les constructeurs se sont d'abord concentrés sur l'amélioration du niveau de confort. D'ailleurs, la plupart des voitures de ces années ne disposaient de freins à tambour que sur les roues arrière. Pas besoin de plus !

LES MATÉRIAUX EN 1918

De nos jours, les voitures sont constituées d'une multitude de matériaux. À l'extérieur, il y a l'alliage ou l'acier des jantes, parfois du carbone, du métal, des plastiques. À l'intérieur, nous pouvons trouver des boiseries, de la fibre de carbone, de l'alcantara, de beaux cuirs... En 1918, la technique du chromage n'existait pas. Les peintures brillantes étaient réalisées à base de nickel.

Le matériau le plus haut de gamme était le maillechort, un alliage de cuivre, nickel et zinc qui donnait aspect argenté et très luxueux. Le similicuir était parfois utilisé sur les selleries et les panneaux de porte. Les jantes demeuraient pleines, souvent en bois. Elles encaissaient très mal les chocs et cassaient fréquemment. À l'époque, la roue de secours servait bien plus souvent qu'aujourd'hui !

D'une manière plus générale, conduire une automobile demandait de sacrés efforts. Les directions étaient souvent excessivement fermes, il fallait anticiper chaque bosse ou trou dans la chaussée, savoir identifier une panne et remplacer une roue dès que nécessaire.

Et bien sûr, avant de démarrer, il fallait tourner la manivelle !


Pierre Quémeneur possédait une Panhard.


La Dépêche de Brest du 29 juin 1923

 

Il avait aussi en stock une Ford T....

Le Petit Parisien du 2 juillet 1923

 

 

 

Bernez Rouz écrit en bas de page 49 :

"Le 4 juin 1922, il assure toujours à la compagnie L'Union, un camion Liberty, marque USA Type B 1 400 portant le n° 2968 pour une somme de 15 000 francs, et une voiture automobile Torpédo 7 places, marque Briscoe pour 12 000 francs."

Une Cadillac...

Et un camion (Liberty Truck) U.S.A. 


 

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