lundi 17 avril 2023

Vagues à l'âme ... Publié le 23 septembre 2017 par Mme Liliane Langellier

 

liliane langellier

 

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Vagues à l'âme...

 Publié le 23 septembre 2017 par Liliane Langellier


"Je suis doué d'une sensibilité absurde. Ce qui érafle les autres me déchire."
Gustave Flaubert (Correspondances)
Cela va faire deux ans le 25 septembre…
Deux ans que j’ai été internée…
Deux ans que je cherche à mettre un nom sur ce qui m’est arrivé…
Oui, que je cherche à nommer mon malaise…
J’ai tout reconstitué : les derniers mails, les derniers messages Facebook, les derniers délires sur
Messenger…
Mais rien.
Rien qui puisse m'aider à mettre un nom sur mon malaise.
Pourtant je me souviens de tout.
Il y a d’abord eu le manque de sommeil.
Le nouveau voisin du dessus m’empêchait de dormir.

Ça, je m’en souviens très bien.
Je récupérais la journée comme je pouvais.
Je ne suis pas même allée déjeuner avec mon amie Laurette le 18 août, jour de mon anniversaire.
Donc, je restais éveillée la nuit et je rattrapais comme je pouvais le jour.
Il y a eu aussi la plainte que j’ai déposée à la gendarmerie.
Contre l’un de mes voisins ivrogne. Qui venait hurler chez la mère Pautonnier. Mon horrible
voisine.
Le vacarme était tel que je ne pouvais même pas lire.
Pas une plainte. Juste une main courante.
Mais les gendarmes se sont déplacés pour calmer l’olibrius.
Et là, tout a dérapé.
Barbie a pris l’affaire en mains et a mené la danse.
Trop belle occasion de se venger de moi.
Il y a donc eu pétition et plaintes du voisinage contre moi.
Je l’ai lu sur mon dossier psychiatrique : « plaintes du voisinage ».
Il y a eu aussi cette accélération cardiaque.
J’avais tellement peur d’une nouvelle montée de tension que j’ai demandé mon admission aux
urgences de l’hôpital de Dreux.
Juste quelques jours avant mon internement.
Ai-je « pété un câble » ???
Ai-je fait un AVC indécelable aux différentes radios ???
Je me souviens très précisément de tout.
J’ai eu un délire paranoïde.
Ou une BDA (Bouffée Délirante Aiguë), si on veut.
Ou une poussée schizophrénique…
J’ai dérapé et construit un véritable film.
J’étais réfugiée dans ma salle de bains.
Je ne risquais pas de sortir car j’avais peur.

Très peur.
J’ai fait une fixette sur la fille de mon voisin du dessus.
J’étais persuadée qu’elle voulait me tuer.
Toutes ces femmes qui me persécutaient étaient armées et en voulaient à ma peau.
Alors….
Alors quand une horrible commère de la paroisse raconte que je suis sortie avec un couteau de 43
cm pour menacer ma voisine d’en face, ça ne le fait pas.
D’abord parce que je n’ai jamais eu un tel couteau et ensuite parce que j’avais peur et que j’étais
bloquée dans ma salle de bains.
Je me souviens avoir passé trois coups de fil.
Deux à deux de mes amies.
Et un troisième – qui m’a été fatal – à la scribouilleuse de notre journal local.
J’avais peur.
On m’attaquait.
Il y avait le GIGN sur notre parking (si,si…)
Que monsieur la maire ait demandé l’autorisation de me faire enfermer au préfet, je le comprends
très bien.
Vivant seule et sans famille, je pouvais - à défaut de faire du mal aux autres - me faire du mal.
La suite a été moins glorieuse.
Le SAMU a débarqué avec les pompiers chez moi.
Ils m’ont emmenée aux urgences et je n’ai opposé aucune résistance.
J’ai juste dormi en attendant mon tour.
Ils m’ont fait passer un scanner et m’ont collé un valium (j’en connais la couleur car mon Langellier
en prenait sur sa fin).
Ils m’ont collée en cellule d’isolement pour la nuit.
Je me souviens encore des horribles meubles rouges et bleus qui faisaient penser à du IKEA cassé.
Le lendemain matin, on m’a donné un petit déjeuner (des toasts et de la confiture) et trois
psychiatres se sont penchés sur mon cas.
On m’a alors internée au module.

Chambre seule. Habits de l’hôpital. Plus de lunettes. Plus de bijoux.
J’étais sans réactions car déjà sous camisole chimique.
A hautes doses.
Je continuais mon délire.
J’avais toujours peur et je me couchais dans la salle de bains où les infirmiers me retrouvaient.
Mais….
Mais j’avais gardé mon humour !
Ce qui n’est peut-être pas la tenue idéale en psychiatrie.
Et puis il y a eu l’épisode du juge.
Le juge des libertés et de l’application des peines (le JAP).
Je suis allée à Chartres le voir en ambulance avec une infirmière et un aide-soignant.
C’était un vendredi.
On m’a présenté mon avocate (ravissante). Puis je suis passée devant le juge.
Là je me souviens très bien lui avoir dit qu’il avait un beau titre « juge des libertés ». Et qu’il m’a
rétorqué que le titre complet comprenait aussi « l’application des peines ».
Je lui ai également dit que c’était la première fois que je voyais un juge en chair et en os. Car, dans
l’affaire Seznec, sur mon blog, j’en croisais beaucoup… De juges…
Je ne sais pas ce que tout ça a déclenché mais je me suis retrouvée le soir même en Psychiatrie
Ouverte.
Là, j’ai pu choisir mon psychiatre et on m’a nommé mon traitement.
J’ai rapidement pu aller chercher ma voiture.
J’ai eu un jour, puis plusieurs jours de permission.
Juste avant deux infirmières sont venues visiter mon appartement.
C’était un bordel sans nom. Mais personne n’a détecté le syndrome de Diogène !
Entre temps le psychiatre m’avait dit que j’étais bipolaire.
Il m'avait définitivement rangée dans la case "Névrose maniaco-dépressive" pour le reste de ma
vie à venir !
Je vois encore son geste : « Vous savez d’un pôle à l’autre… Cela devrait vous faire plaisir vous qui
avez beaucoup voyagé en tant que grand reporter ! Dans les médias, il y a un grand nombre de

bipolaires ! »
Que répondre à cela ?
Si ce n’est que je n’ai jamais été « grand reporter » mais juste une journaliste culturelle.
Mais on ne contrarie pas un psychiatre, ou alors à ses risques et périls.
Quand je suis enfin sortie, c’était fin novembre, il faisait nuit, pluie et brouillard, et le médicament
principal altérait ma vue.
Je ne sais plus comment j’ai conduit pour réintégrer mon appartement.
Un appartement sans chauffage et sans nourriture.
Je me suis trainée jusqu’à la pharmacie.
On connait la suite…
J’ai clamé haut et fort mes douloureux symptômes.
Pendant deux mois, je n’ai quasiment pas mangé. Je restais allongée tout le temps.
Et puis j’ai fini par tomber. Plusieurs fois.
Et il y a eu ensuite la chute finale où je suis restée cinq jours et cinq nuits à terre dans mon couloir
sans aucuns secours.
J’étais dans le coma quand on m’a sortie.
Après quatre mois d’hôpital, j’ai réintégré mon appartement. Qui avait été nettoyé et rangé de
fond en comble.
Là, j’ai rapidement appris ce qui se disait sur moi.
Là, je me suis rendue compte qu’on m’avait volée.
Que Zézette et sa nièce avaient fait leur marché chez moi.
Il a encore fallu digérer tout ça.
Mais le pire était à venir…
Joies de la province !
Les regards sur moi étaient éloquents.
La première fois que j’ai repris ma voiture seule pour aller à Carrefour, l’un des hommes que j’ai
croisé et que je connaissais très bien, m’a regardée, effrayé, comme un fantôme.
Cela m’a beaucoup peinée.
Mais le pire restait à venir.

Ce que j’ai fait de plus beau ces dernières années, c’est bien d’avoir contribué à faire nommer une
famille de Lormaye Juste parmi les Nations.
…………
Tous les acteurs se sont réunis la semaine dernière près de la petite Solange, la petite juive de 14
ans cachée à Lormaye entre 1942 et 1944.
Tous….
Sauf moi !
Tous…..
Sans moi !
Et là, là…
Et bien là, j’ai pleuré.
Ici je reste avec l’étiquette « dingue » collée sur le front.
C’est plus dur que dur.
Je ne me battrai pas pour être de nouveau « parmi eux ».
Que ceux qui m’aiment me suivent.
Pour les autres, qu’ils se méfient…
Car c’est si vite arrivé un malaise psychiatrique…
Ils ne sont pas à l’abri non plus.
Alors…
Alors, un peu d’empathie ne ferait pas de mal.
Mais est-ce demander l’impossible dans cette province coincée.
Alors...
Et bien alors, à suivre…
Liliane Langellier
 

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