Affaire Seznec : les faux alibis.
Dans L'Ouest-Eclair du vendredi 24 octobre 1924 :"L'affaire Seznec, à la veille de l'ouverture des débats, devait réserver une nouvelle surprise. Voici les faits. Un nommé Rospars, marchand-forain condamné pour vol et purgeant à Quimper sa condamnation, voisinait avec Seznec. Des conversations eurent lieu entre les deux détenus. Seznec chargea son camarade de cellule d'aller remettre quatre lettres, dont trois contenaient des quittances aux termes desquelles Seznec reconnaissait avoir reçu le 13 juin 1923, jour de l'acquisition de la machine à écrire au Havre, une certaine somme pour des livraisons de bois. La quatrième lettre était destinée à Mme Seznec.
Les trois premières lettres devaient servir à établir que le 13 juin Seznec ne pouvait se trouver au Havre puisque le même jour trois personnes lui auraient remis des sommes dont il possédait les reçus correspondant. Quant à la lettre pour Mme Seznec, elle indiquait notamment le moyen de faire savoir au prisonnier le succès de sa combinaison.
L'une des quittances était à remettre à une personne de Saint-Brieuc et les deux autres à des Brestois. Bien entendu, une commission serait donnée à Rospars par Mme Seznec.
Le forain accepta la mission. Il assista donc à la confection des reçus, mais une difficulté surgit. Il fallait, en effet, des timbres d'acquit. Comment s'en procurer ? L'imagination de Seznec lui servit. Un prisonnier libérable ce jour-là fut chargé de prendre, en sortant, trois timbres et de les glisser dans un paquet de tabac devant être donné à un autre prisonnier quittant le tribunal pour la prison. Cette remise eut effectivement lieu sans incident.
Rospars, en possession des lettres, quitta donc la maison d'arrêt de Quimper la semaine dernière et se rendit d'abord à Saint-Brieuc. Après avoir erré en ville et ne trouvant pas le destinataire du reçu, il jeta la lettre dans un ruisseau. Puis il vint a Morlaix où il rencontra des personnes qu'il connaissait, en particulier MM. Poloce et Marzin, auxquels il demanda de lui indiquer la demeure de Mme Seznec. MM. Poloce et Marzin accompagnèrent Rospars jusqu'au domicile de la femme de l'inculpé et l'attendirent sur la route.
Rospars entra. Mme Seznec le conduisit dans sa salle à manger. Rospars lui indiqua comment il avait été envoyé par son mari et lui remit la lettre. Il indiqua qu'il s'était déjà rendu à Saint-Brieuc et qu'il devait aller à Brest pour remettre les deux autres reçus. La conversation se prolongea et les deux amis de Rospars, restés sur la route, vinrent s'enquérir de ce qui s'était passé. Au bruit des voix, Mme Seznec crut a l'arrivée de la Police ; elle fit flamber une allumette et brûla la lettre qui venait de lui être remise. Enfin, l'entretien prit fin et Rospars réclama la rémunération promise ainsi que le prix de ses voyages, soit en tout 300 francs, mais Mme Seznec, se trouvant démunie d'argent, ne put lui en remettre que 25. Elle prit possession des reçus que Rospars lui donna et chargea le forain de se rendre à Brest pour inviter les personnes intéressées à se trouver à Quimper le 23 octobre, à l'Hôtel du Parc où elle serait également.
Rentré à Morlaix, Rospars fit part à ses camarades de la mission dont il avait été chargé. Ceux-ci l'engagèrent à ne pas se mêler de cette affaire, et lui conseillèrent d'en informer la Justice, ce que fit aussitôt Rospars. C'est ainsi que l'accusation vient d'avoir connaissance, à la dernière heure, de la machination ourdie par Seznec."
Ouest-Eclair du 24 octobre 1924
Ouest-Eclair du 21 octobre 1924
"Ce que nous allons ajouter renforce cette impression d'un mélange de naïveté et de froideur calculée de la part de l'inculpé qui, pour le moins, rendra sceptique le moins prévenu."
Et Seznec savait très bien que justifier de son emploi du temps pendant la journée du 13 juin 1923 était primordial.
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